La création dans les agences de publicité à travers l’exemple britannique


La publicité s’est inventé une activité qui lui est propre. Si chacun est doué, certes à des degrés divers, de « créativité », seule la publicité fait travailler des « créatifs », profession identifiée à partir d’un adjectif substantivé universel. Si la création, dans le domaine précis de la publicité, exige des talents particuliers orientés dans un but défini, ces talents n’en sont pas moins réutilisables et adaptables à d’autres fins. La mobilité professionnelle des créatifs est à cet égard très représentative de l’économie de l’immatériel : les frontières professionnelles y sont aussi mouvantes que les frontières économiques ou territoriales. Le processus de création répond à des principes généraux bien établis et partagés par les principaux acteurs de l’écosystème de la publicité. Les agences ont mis en place des modèles organisationnels propres, identifiés comme facilitant la formalisation de l’idée nouvelle. Quoique différents d’un réseau à l’autre, ces modèles reposent sur les principes suivants : – identification préalable d’un réseau de contraintes externes : calendrier, support, plan média, études de marché et ciblages prédéfinis ; – processus de « brainstorming » collectif, associant un nombre limité de personnes (plus de cinq, moins de quinze) venues d’horizons divers, mais toujours « plus créatifs » que la moyenne, venant souvent (mais pas toujours) d’écoles d’art ; – partage d’un « langage » commun, ou plutôt d’une culture et de valeurs « communes » (cette approche a été théorisée par Kevin Roberts, CEO de Saatchi&Saatchi) ; – nécessité d’avoir une personne qui assure les fonctions de « modérateur » et de « formalisateur » de l’idée (mais cette personne doit n’intervenir qu’in fine, laissant aux collaborateurs la liberté de s’exprimer sans contrainte). Ce processus, qui demeure « mystérieux » pour les praticiens eux-mêmes, vient d’un équilibre toujours réinventé entre le logique et le magique, entre la science et l’art. De fait, la plupart des agences répliquent à chaque niveau de leur organisation comme pour chacun de leurs projets des binômes associant « créatifs » et « planners ». Il est important pour arriver à des campagnes efficaces que ces deux métiers soient clairement dissociés. La qualité d’une publicité – qui fait l’objet de festivals et de prix internationaux – repose ainsi sur l’excellence de l’analyse des besoins du client, de son produit, de son marché, sur l’excellence de l’idée créative, sur l’excellence de la concrétisation, c’est-à-dire de la réalisation (le film, l’affiche, …). L’objet publicitaire peut ainsi devenir œuvre d’art ; l’idée créative repose sur des professionnels qui sont de véritables créateurs. D’ailleurs, nombre d’entre eux ne travaillent pas seulement pour la publicité mais également pour la photographie d’art, les films d’animation, mais aussi des longs métrages : ont ainsi par exemple commencé par la publicité avant de changer d’art, Etienne Chatilliez, Ridley Scott, Spike Lee ou Satyajit Ray. La part d’Internet dans la publicité en Grande-Bretagne se développe d’une façon qui, sans être spectaculaire, demeure constante et régulière.


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