La question des aides d’État, sous forme de fiscalité spécifique favorable aux entreprises, est un tout autre problème. Dans quelle mesure la concurrence fiscale, celle associée au traitement fiscal des profits, est-elle une forme justifiable de concurrence ? Il est difficile d’invoquer les mannes du Traité de Rome pour répondre à une question qui n’était pas à l’ordre du jour à l’époque. La question a une acuité nouvelle avec l’arrivée en Europe de pays dont le niveau de vie est très différent du niveau de vie moyen de l’UE à 15, puisqu’elle interfère alors dans une certaine mesure avec une question plus vaste et plus difficile : quelles sont les conditions de l’échange mutuellement avantageux entre des pays de niveaux de développement différents ? Sans aller au fond de cette question, il est bien évident qu’elle renvoie à une réflexion renouvelée sur la subsidiarité. Cette réflexion doit être placée dans une perspective plus générale, celle de la logique d’ensemble de la construction européenne. Les quelques mots que l’on en dira ici ne prétendent pas constituer plus qu’une tentative d’introduction sommaire au débat. Ils conduisent malgré tout à des suggestions susceptibles de nourrir la discussion. On peut défendre l’idée que le modèle de l’espace économique européen est celui où s’appliquent les préconisations de ce que les théoriciens appellent la « production efficiency » : un grand marché permet l’égalisation des prix sur les marchés des biens, laissant subsister des différences géographiques dans la rémunération des facteurs, ces différences s’atténuant progressivement par l’effet d’égalisation des prix des facteurs. Dans ce modèle, où la mobilité des facteurs joue un rôle secondaire, sauf peutêtre pour le capital, la détermination du système fiscal, qui concerne la fiscalité sur les biens ou sur les revenus, et même les revenus du capital, la détermination des niveaux de bien collectif, de l’organisation du secteur public relèvent du principe de subsidiarité. La fiscalité spécifique des entreprises, impôt sur les profits, relève par contre de l’harmonisation fiscale. Dans cette vision du monde, cohérente semble-t-il avec la vision de la construction européenne ou du moins susceptible de lui fournir une rationalisation économiquement cohérente (Guesnerie, 2004), l’harmonisation passe par l’harmonisation des conditions faites à la production. Réinterprétée, cette condition suggérerait bien une certaine harmonisation des taux de fiscalité sur les profits, et non leur absence. De même, elle est compatible, semble-til, avec un principe d’harmonisation des conditions financières de sauvetage des entreprises entre les pays plutôt qu’avec l’absence de sauvetage.
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