Plus de morts que de vivants sur Facebook


Chaque minute, trois personnes inscrites sur Facebook meurent dans le monde et autant de profils sont laissés à l’abandon ou transformés en pages posthumes. Un au-delà numérique qui pose des questions juridiques et psychologiques. C’est un chiffre impressionnant. Les profils d’utilisateurs décédés peuplent le réseau social Facebook et pourraient, d’ici quelques années, être plus nombreux que ceux des vivants. Facebook deviendrait-il alors un cimetière digital géant ? Il y a par exemple Lola, une victime du Bataclan. Son profil existe toujours mais la mention « En souvenir de » figure au-dessus de son nom. Transformé par ses proches, c’est désormais un mémorial où l’on peut laisser des messages. « Le déferlement de l’intime me posait problème au début », explique Sophie, l’une de ses amies qui finalement s’y est « plutôt bien faite » : « Ça faisait du bien parce que c’est une manière de s’adresser à Lola en s’adressant à tous ceux qui l’aiment, qui du coup sont un petit morceau d’elle. C’est un bon moyen de s’adresser à elle quand même. » Facebook, c’est en revanche le cauchemar de Clémentine : sa cousine s’est suicidée mais son profil demeure inchangé. Car Facebook reste compliqué en la matière. « Je vois des personnes décédées qui me font des demandes de vies sur Candy Crush » La conséquence, c’est que ces profils d’outre-tombe demeurent, tels des fantômes, avec un rappel d’anniversaire ou des notifications automatiques du réseau social. Tant d’éléments, estime la psychologue Vanessa Lalo, peuvent compliquer le deuil : « Le fait d’alimenter le mur Facebook d’une personne décédée donne un effet d’inquiétante étrangeté où, d’un coup, on a l’impression que la personne décédée est encore vivante et qu’on la maintient en vie artificiellement. » Car certains choisissent de maintenir l’activité du compte de la personne disparue. « Sur mes propres fils d’actualité, explique Vanessa Lalo, je vois des personnes décédées qui me font des demandes de vies sur Candy Crush. La première fois que ça m’est arrivé, vraiment ça a créé une émotion très paradoxale. » Faut-il prévoir en amont quoi faire de ses réseaux sociaux ? Comme le don d’organe ou le choix de l’incinération, « il faut donc en discuter », explique l’avocat Maître Thierry Vallat. Il a vu des familles se déchirer, entre ceux qui souhaitaient « l’éternité numérique » de l’être cher, d’autres préférant « l’enterrement de ces données » en même temps que la cérémonie de deuil. Un conflit que l’on peut éviter en laissant des instructions, « à un notaire par exemple, comme des dispositions testamentaires », dit Me Vallat « et désigner un tiers de confiance chargé de résoudre les problèmes numérique que pose le décès et utiliser les mots de passe ». Depuis début 2015, il est possible de désigner un légataire, mais quand ça n’est pas fait, les démarches pour récupérer un compte sont compliquées pour les proches. Les parents, par exemple, n’ont pas forcement le droit d’accès au compte de leur enfant en cas de décès et ça peut nécessiter de passer par le tribunal.


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